« Si les gangs exigent des droits de passage à la population, certains policiers ne peuvent et ne doivent pas suivre la même logique en demandant aux citoyens de l’argent en contrepartie de leur service. Avec de telles pratiques, la frontière entre les bandits et les policiers en question n’est pas très étanche. C’est une pratique très dangereuse dans la mesure où elle peut alimenter l’insécurité et décapitaliser. Les entrepreneurs qui évoluent dans un contexte de crise déjà difficile », a déploré Youri Latortue. Ce dernier rappelle à ces policiers qu’ils ont pour mission de protéger les vies et les biens de la population.
« Les policiers sont là pour détruire les foyers d’insécurité, ils ne doivent, en aucun cas, en profiter pour faire de l’argent. D’autant que cette pratique peut être une source de frustration, voire de conflit entre les agents. En agissant de la sorte, ces policiers ne font pas honneur à la Police nationale d’Haïti », a dénoncé l’ancien Youri Latortue. Il souhaite l’intervention de l’inspection générale de la PNH de toute urgence pour mettre un terme à cette pratique.
C’est un secret de polichinelle
« Tout le monde sait qu’on paie les blindés à Canaan pour escorter les camions de marchandises. Cette pratique a commencé au mois de juin et s’est intensifiée au fil des jours. Au début, il fallait payer entre 35 milles gourdes à 75 milles gourdes par camion tout dépend de la quantité de marchandise. A côté des marchandises, les policiers en question le font pour des particuliers », a déclaré au journal, ce mercredi. Jocelyn ulysse, secrétaire général de l’association des entrepreneurs de St Marc (AESM).
Face à la dégradation accélérée de la situation, les entrepreneurs de St Marc ont pris leur courage à deux mains pour attirer l’attention des autorités sur cette pratique à travers une journée de mobilisation organisée le 14 juillet 2022. « On a réalisé le 14 juillet dernier une grande marche et une journée de grève à St Marc autour du thème : Gran nò a pap fèmen ( le Nord ne sera pas infréquentable). L’objectif était de tirer la sonnette d’alarme pour que l’État assume ses responsabilités en matière de sécurité. Notre appel est resté lettre morte. Aujourd’hui, la zone échappe au contrôle de la police », regrette le secrétaire général de l’AESM.
Les entrepreneurs du grand Nord ne souhaitent plus s’aventurer sur la route nationale numéro 1
Ces derniers temps, les entrepreneurs du grand Nord ne souhaitent plus s’aventurer sur la route nationale numéro 1. En plus de Canaan, plusieurs zones de la sortie nord de la capitale dont Cabaret ( au niveau de Lafito), Arcahaie deviennent très dangereuses, très risquées . « À ma connaissance, aucun entrepreneur ne veut courir le risque de transporter quoi que ce soit par la route nationale. La PNH devient impuissante par rapport à la force de frappe des groupes armés. Les rares entrepreneurs de l’association qui placent des commandes à Port-au-Prince utilisent la route de Mirebalais comme alternative », a indiqué Jocelyn ulysse.
« Aujourd’hui les prix des produits de premières nécessités sont pratiquement doublés, triplés dans certains cas, à cause de l’augmentation du coût de transport. Pire encore, certains entrepreneurs ne peuvent plus commander », a précisé M. Ulysse.
Les chauffeurs de transport en commun, évitant Canaan, utilisent les mêmes voies alternatives pour se rendre à Saint-Marc. « Le trajet Saint-Marc vers Port-au-Prince avant la crise de carburant qui était de 250 gourdes s’élève maintenant à 2 500 gourdes. On achète le gallon de diesel à 2 500 gourdes. On a besoin de dix à douze gallons d’essence pour assurer le trajet. On est obligé d’augmenter le tarif », regrette Murat Augustin, président du syndicat des propriétaires et chauffeurs de Saint-Marc.
La situation n’est pas moins différente
Aux Gonaïves, la situation n’est pas moins différente. Puisque les entrepreneurs doivent utiliser la route de Mirebalais pour le transport des marchandises. « Aux Gonaïves, les prix des produits ont excessivement augmenté. La nouvelle tendance, depuis deux semaines, est de ne plus commander, les risques sont trop élevés. Certains produits, comme l’huile comestible, commencent à devenir très rare dans l’Artibonite. Les entrepreneurs de notre association utilisent le marché de Dajabon comme alternative. Mais ce n’est pas sans risque d’insécurité. De plus, les coûts de transport sont aussi très élevés», a confié au journal ce mercredi après-midi, Pierre Robert Auguste, président de l’association des entrepreneurs de l’Artibonite. « Si la crise persiste, on sera dans l’obligation de fermer nos entreprises », a alerté M. Auguste.
« On souhaite que les acteurs fassent un dépassement de soi pour trouver une solution à la crise. Une solution plus proche possible de la constitution, de la jurisprudence pour éviter de sombrer dans une cascade de petits groupes réclamant le pouvoir sous prétexte qu’ils sont plus représentatifs », a souhaité Pierre Robert Auguste.